Julien Guérin appelle à voter Jean-Luc Mélenchon
Julien Guérin
Socialistes de gauche, votons Mélenchon !
> > Militant de gauche depuis 2001, membre du Parti socialiste et ancien dirigeant national du MJS, mon engagement en faveur d’un socialisme démocratique a été constant depuis dix ans. Un engagement politique, mais aussi intellectuel qui m’a conduit à coécrire un ouvrage récent sur l’histoire du CERES des années 70 . J’ai partagé tous les combats de la gauche du PS depuis le 21 avril 2002 : pour la réorientation du parti lors des congrès de Dijon et du Mans, contre la constitution libérale européenne en 2005, aux côtés de Benoit Hamon à Reims en 2008 et de toutes les luttes internes pour ancrer à gauche mon parti, l’immerger dans les mouvements sociaux, le faire renouer avec une politique offensive et unitaire en direction de toute la gauche. Mon choix de militant s’appuyait sur le fait que le PS reste dominant à gauche, que son organisation en courants internes permettait le libre débat et je pensais que l’existence d’une gauche socialiste en son sein était un outil pour aiguiller l’orientation du parti tout entier. Dix ans après et dans le contexte de la campagne électorale actuelle je m’interroge sur le bienfondé de ces arguments.
> > La campagne présidentielle en cours doit avant tout permettre de battre la droite, d’empêcher Sarkozy-Thatcher d’être réélu. Une nouvelle défaite de la gauche serait un passeport pour le désespoir et un rude coup porté aux salariés. Comment remplir cet objectif essentiel ? La candidature de François Hollande me semble pour l’instant en deçà de l’enthousiasme populaire indispensable et nécessaire. En refusant d’affronter franchement la logique libérale, en restant trop flou sur les retraites, les salaires,
l’Europe ou en répétant que la dette sera un frein à une politique de gauche authentique, le candidat socialiste ne défend pas avec suffisamment de vigueur les axes que nous- mêmes avons mis en avant sans cesse depuis dix ans. La gauche du parti ne pèse en rien sur les choix essentiels du candidat. Elle ne parvient pas à faire entendre sa voix et son avenir semble incertain.
> > Force est de constater que c’est Jean Luc Mélenchon qui a relevé le drapeau du socialisme historique en défendant clairement un programme d’urgence sociale et démocratique. Redistribution des richesses par une hausse conséquente des salaires, retraite à 60 ans, embauche massive dans les services publics, lutte contre la précarité, refus du carcan du traité de Lisbonne, pôle public bancaire, convocation d’une constituante pour bâtir une VIéme République démocratique, laïque et sociale, planification écologique…les axes de campagne du Front de gauche soulèvent l’enthousiasme dans les rangs du peuple de gauche qui se pressent dans les meetings de Mélenchon au cri de « Résistance ». Socialiste de gauche, croyant qu’il est possible de rompre avec le libéralisme et défendant une perspective révolutionnaire, je ne peux que constater qu’il se passe quelque chose autour de la candidature Mélenchon.
Quelque chose venu des profondeurs. Il suffit de voir les milliers de syndicalistes présents dans les meetings, des jeunes,
des militants venus de divers horizons mais représentants les meilleurs traditions de la gauche : communistes, républicains n’ayant pas renoncé à la perspective socialiste, trotskistes unitaires, écologistes de gauche, socialistes ne se résignant pas à la rigueur…Cela ravive les souvenirs de la campagne du non victorieuse en 2005 où toutes ces composantes partageaient les mêmes estrades. Ne pas voir ce bouillonnement populaire et cette mobilisation militante, c’est faire preuve d’un étroit patriotisme de parti. C’est notre base sociale, ce sont les nôtres qui se pressent à la Bastille, au Capitole et qui relèvent la tête ! Nous devons trouver notre place dans ce moment de l’histoire de la gauche !
> > Au-delà du programme de Mélenchon, sa candidature est utile à toute la gauche et à l’objectif essentiel qui reste de chasser Sarkozy. Les coups portés à Marine Le Pen ont permis d’enrayer la mécanique FN et de dégonfler la baudruche du tournant social du parti des Le Pen. Mélenchon peut désormais espérer être devant le FN, ce qui était impensable il y a deux mois ! La progression du Front de gauche permet aussi de rééquilibrer la gauche et d’éloigner ainsi la perspective, bien présente dans l’esprit de plusieurs dirigeants de l’aile droite du PS, d’un renversement d’alliance. C’est bien la force de la candidature de Mélenchon qui permet d’envisager une nouvelle union des gauches qui écarte résolument le ODEM.
Cela se vérifie d’ailleurs dans les derniers sondages : la hausse du Front de gauche profite à la dynamique politique de oute la gauche. Le total des voix de gauche progresse au même rythme que la hausse de Mélenchon et accroit les chances de victoire au second tour. François Hollande ne baisse pratiquement pas et demeure largement en tête au deuxième tour tandis que Mélenchon mobilise un électorat abstentionniste de gauche qui aurait boudé les urnes sans sa campagne offensive. Contrairement à ce qu’affirment certains, un bon score du Front de gauche au 1er tour ne diminue en rien les possibilités de victoire au second, au contraire il les conforte ! Un score important modifiera également les rapports de force et poussera un gouvernent futur de gauche à prendre en compte les aspirations sociales et démocratiques exprimées par le vote en faveur de Mélenchon. C’est là une différence essentielle entre Mélenchon et les candidatures d’extrême gauche traditionnelles, qui se cantonnaient à un rôle de protestation.
> > Cependant, les camarades communistes et pégistes ne doivent pas céder au triomphalisme, oublier l’objectif central de battre la droite et garder à l’esprit que le peuple de gauche veut l’unité et la victoire. Un Front de gauche à 15 % et une gauche battue au second tour ne serait qu’un coup d’éclat sans lendemain. N’oublions pas non plus que les millions d’électeurs de François Hollande partagent l’essentiel des orientations du Front de gauche. Réaffirmer une perspective unitaire, montrer que la victoire sera un détonateur puissant pour le mouvement social doivent rester des objectifs essentiels. Le Front de gauche, dans son actuelle configuration, est l’aile marchante de notre camp et souleva une indéniable vague d’enthousiasme qui permettra de se mettre en mouvement dès la défaite de Sarkozy. Je souhaite y prendre ma part.
> > C’est tout cela qui me conduit, en conscience, à voter pour le Front de gauche le 22 avril prochain, avant la bataille nécessaire pour l’unité au soir du 1er our, et j’appelle tous les socialistes de gauche qui veulent battre Sarkozy sur une ligne de gauche à se saisir du bulletin de vote Mélenchon.
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> Julien GUERIN (ancien membre du bureau national du MJS de 2003 à 2005, ex membre du secrétariat fédéral du PS 43, syndicaliste enseignant dans le 77)